• Le Poison

    Le vin sait revêtir le plus sordide bouge

    D'un luxe miraculeux,

    Et fait surgir plus d'un portique fabuleux

    Dans l'or de sa vapeur rouge,

    Comme un soleil couchant dans un ciel nébuleux.

     

    L'opium agrandit ce qui n'a pas de bornes,

    Allonge l'illimité,

    Approfondit le temps, creuse la volupté,

    Et de plaisirs noirs et mornes

    Remplit l'âme au delà de sa capacité.

     

    Tout cela ne vaut pas le poison qui découle

    De tes yeux, de tes yeux verts,

    Lacs où mon âme tremble et se voit à l'envers...

    Mes songes viennent en foule

    Pour se désaltérer à ces gouffres amers.

     

    Tout cela ne vaut pas le terrible prodige

    De ta salive qui mord,

    Qui plonge dans l'oubli mon âme sans remords,

    Et charriant le vertige,

    La roule défaillante aux rives de la mort!

      Charles Baudelaire

     

      Le poète confirme ici la célèbre phrase de Paracelse « Rien n’est poison, tout est poison » en évoquant à la fois l’alcool, le venin, la drogue…et l’amour. En effet nombre d’auteurs ont comparé les vertiges de l’amour à ceux engendrés par les poisons, et notamment les drogues. L’histoire n’échappe pas à la règle. Au fil des siècles, le poison est au centre des énigmes: du règne de Louis XIV avec l’affaire des poisons (Mme de Montespan est soupçonnée d être impliquée dans cette affaire, victime de sa jalousie et de son amour pour le roi) à la fortification de la légende de Cléopâtre, reine d’Egypte, s’empoisonnant avec un venin par amour pour son roi…

      Mystérieux, fascinants, les poisons n’ont alors cessé d’être une source d’inspiration pour les plus grands auteurs de la littérature exprimant, au travers de ce mot, terrifiant pour certains, le plus profond des recensements de leurs cœurs ou de celui de leurs personnages, à l’apogée de leur amour (nous pouvons penser à la fin tragique de Roméo et Juliette dont les « vertige[s] » de l’amour, comme le dit Baudelaire, les ont amenés aux « rives de la mort »)

      Au dix-neuvième siècle, les liens entre la littérature et la science se resserrent. Les écrivains, réalistes, cherchent à reproduire la réalité de la façon la plus juste possible. Pour ce faire, ils se soumettent à une démarche d'investigation et utilisent un vocabulaire scientifique poussé.

      Les poisons, au coeur des plus grandes énigmes de l'histoire, n'ont donc cessé d'inspirer les écrivains, de différentes époques et pour des raisons diverses. Ainsi nous pouvons nous poser la questions suivante: les effets des poisons tels qu'ils sont décrits dans la littérature respectent-ils la réalité?


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